Originaire du sud de la France et aujourd’hui installée à Montréal, Nelly Plateau est une auteure au parcours atypique.
Après des études de lettres modernes, elle a exploré plusieurs horizons professionnels, dont celui d’interprète en langue des signes et d’enseignante de français en Nouvelle-Zélande.
En 2024, elle réalise un rêve de longue date avec la publication de son premier roman Les Choses évaporées.
Ce livre propose une réinterprétation du mythe de Dom Juan, mélangeant fantastique, science-fiction et dystopie.
Dans cet entretien inédit, Nelly Plateau partage son expérience d’écriture, ses inspirations et son regard sur le monde littéraire contemporain.
1. Nelly Plateau, comment vos voyages ont-ils influencé votre écriture ?
Mes voyages sont une source d’inspiration pour mes écrits.
Cela influence mon style d’écriture, car lorsque j’utilise mes propres souvenirs pour écrire sur un lieu que je connais, toutes les sensations reviennent et ont besoin de ressortir sur le papier.
Le lieu est relié à un instant, un vécu qui génère des émotions et des sentiments.
Dans ces moments-là, tout est très prégnant dans ma mémoire et lorsque j’utilise ces différents endroits dans un roman tout est « déjà prêt » :
- le côté visuel et descriptif,
- les odeurs, les goûts,
- les ressentis,
- la kinesthésie,
- les bruits, le toucher… Souvent, mon écriture prend un tour plus poétique.
Voyager permet aussi de se sortir de ses habitudes et de réactiver les sens.
Voir de la nouveauté, être surpris, étonné, donne accès à un maniement des souvenirs sous une autre forme et à une exploreration de cette expérience lors de la rédaction.
2. Pourquoi revisiter le mythe de Dom Juan dans « Les Choses évaporées » ?
J’ai toujours eu envie d’écrire un livre et j’avais commencé par produire des textes et des nouvelles en atelier d’écriture lorsque j’étais étudiante en Lettres à l’université.
Après avoir travaillé en cours sur Dom Juan ou le festin de pierre, de Molière, j’avais eu besoin de transposer l’histoire dans notre société moderne.
J’avais vingt ans et je me posais des questions sur les relations amoureuses et ce qui différenciait la séduction de l’amour.
Le sujet sous-jacent était de savoir si les manigances de dragueur de Dom Juan pourraient tenir le choc face à notre époque.
J’avais donc écrit une nouvelle Jean de Deaumont, qui reprenait les scènes de Dom Juan et les jouait dans des décors actualisés des années 2000.
Cette nouvelle, achevée en tant que premier jet, m’a poursuivie durant des années, au fil de ma vie.
La question de l’amour et séduction est restée, mais ma vision des choses a évolué.
Il y a cinq ans, l’envie d’écrire était toujours très présente et j’ai repris ma nouvelle et réécrit le début de l’histoire.
J’avais réussi à implanter un nouveau lieu et à faire émerger mes personnages (deux femmes, un ascenseur).
Avoir une base de récit et des protagonistes m’a offert la possibilité de me lancer totalement dans mon idée, l’année dernière en 2023.
J’ai eu un peu plus de temps libre et j’ai sauté sur l’occasion pour enfin me focaliser sur mon roman et réaliser mon rêve.
Par ailleurs, les vingt-cinq ans de maturation ont permis d’ajouter de la profondeur à la réflexion et à mon projet de livre, ce que je ne regrette pas.
3. Avez-vous des rituels d’écriture quotidiens ?
Je n’ai pas d’horaire d’écriture spécifique ni de véritables rituels.
L’important pour moi est d’écrire tous les jours dès que j’ai du temps libre.
Cela se fait à n’importe quel moment de la journée en dehors de mon travail.
Cela peut être de la correction de mes textes déjà existants, de la rédaction d’une scène, de la réécriture ou approfondissement de certains paragraphes, ou encore de la réorganisation de chapitres, mise en place du calendrier de l’intrigue, etc.
Mon habitude essentielle est d’apporter mon carnet de notes ’, et souvent mon ordinateur portable, partout avec moi.
Cela me permet de consigner toutes les idées qui me viennent au cours de la journée. L’inspiration arrive spontanément et cela peut-être une phrase, un dialogue entre mes personnages qui surgit, un thème, une séquence, un lieu intéressant, les liens que je fais dans l’intrigue et que je veux faire ressortir.
Lorsque je lis le soir, je garde aussi mon carnet de notes avec moi, car des bribes de pensées, ou des passages complets à écrire me parviennent et je relève le tout pour ne pas les oublier.
Le lendemain, ou le plus tôt possible, je recopie mes pages en les retravaillant directement dans mon manuscrit sur ordinateur.
4. Comment l’interprétation en langue des signes influence-t-elle votre écriture ?
Dans Les Choses évaporées, il est évident pour moi que l’influence de mon métier d’interprète en langue des signes est présente.
L’aspect visuel, presque cinématographique selon les moments, a tout de suite imprégné le roman.
Ma manière d’aborder les scènes, de décrire l’environnement part toujours d’une mise en place d’un lieu, puis des éléments et des personnages pour ensuite suivre le point de vue d’un des protagonistes.
De même, les échanges de regards et les expressions du visage et corporelles reviennent souvent dans ce livre et renseignent sur les relations et les ressentis des différentes figures entre elles.
À la réécriture, j’ai dû insister, dans certains passages de fiction, sur tous les autres éléments que j’avais négligés : les odeurs, les sons, par exemple, pour que le discours soit équilibré et d’autant plus immersif.
Les langues des signes ont des structures grammaticales et syntaxiques différentes des langues parlées et écrites et il n’est pas possible de calquer un récit en langue des signes directement en suivant l’ordre des signes et en le transposant avec des mots français.
Néanmoins, si je dois faire un parallèle, il me semble que mon utilisation des phrases courtes, directes et factuelles s’inspire de la langue des signes.
Enfin, tout comme dans mon métier j’ai cherché dans chaque énoncé à être concise et claire, et à toujours manier le vocabulaire juste qui exprimait exactement ce que je voulais dire.
Mon objectif était de dire en peu de mots, ce que je souhaitais signifier, d’évoquer en une seule image un moment et de permettre une compréhension éclair dans la tête du lecteur.
5. Quels sont vos projets littéraires après « Les Choses évaporées » ?
Actuellement, je viens de terminer mon second roman qui traite du thème de l’identité et du déracinement et je suis en phase de réécriture.
C’est l’histoire d’un personnage, dans un futur proche, Marseillais d’origine, qui entame sa dixième année d’expatriation au Canada.
Un jour, son quotidien dévie : il ne se reconnaît plus dans le miroir, sa nouvelle colocataire l’inquiète, et son emploi de testeur de jeu vidéo est menacé.
Aidé de la psychologue assignée par son entreprise, il tente de redresser au plus vite la situation. Malheureusement, les choses sont loin d’aller dans le sens qu’il avait prévu.
Dans mes dossiers, j’ai aussi déjà préparé un récit plus court d’une partie de mes souvenirs d’enfance.
Ces écrits sont à l’état de premier jet et je dois encore les enrichir et les mettre en forme.
Je souhaite écrire cette partie autobiographique du point de vue de l’enfant que j’étais.
Cela va être un vrai défi de m’approprier une voix, un style, un vocabulaire de petite fille sans pour autant perdre l’attention du lecteur !
L’autre défi sera également de me replonger dans ces souvenirs avec moins de détachement que ce que j’ai pu écrire jusqu’à présent, car je devrai me glisser dans ma peau d’enfant de cinq à huit ans…
Enfin, j’ai une idée de prochain roman qui est à l’état géostationnaire, mais qu’il me plairait beaucoup d’écrire. L’histoire d’une femme sur plus d’une vie.
6. Comment voyez-vous l’avenir de vos projets entre littérature, théâtre et cinéma ?
Pour le moment, je me concentre sur la littérature et la promotion de mon premier roman.
Je termine mon second et je vais me mettre à la recherche d’une maison d’édition probablement dans deux à trois mois. Ce qui demande beaucoup d’énergie.
Malheureusement je n’ai plus le temps de suivre mes cours de théâtre et je ne participe plus à des courts métrages étudiants comme j’ai pu le faire jusqu’à l’année dernière.
Cela est vraiment dommage, car j’aime beaucoup ces activités-là.
Elles me permettent de m’exprimer d’une autre manière et cela m’apporte un regard nouveau sur mes écrits et mes personnages.
En effet je retrouve des similitudes quand j’apprends dialogues et que je me glisse dans un rôle et lorsque j’écris et que je prends le point de vue d’une de mes protagonistes.
C’est un exercice incroyablement satisfaisant.
Montrer un texte en « réel » avec son corps et sa voix est une pratique d’extraversion que je n’ai pas dans l’écriture, qui demeure une activité très solitaire !
Pour le moment je ne peux pas me concentrer sur tout, mais je ne désespère pas d’y revenir dès que j’en aurai l’occasion et le temps.
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