Deux jours après le 8 septembre, Journée mondiale de la littérature proclamée par l’UNESCO, une question hante mon esprit.
La même pour tout amoureux des mots : le livre, tel que nous le connaissons, est-il sur le point de disparaître ?
Écrasé par la révolution numérique, aspiré par les écrans, ou même écrit par des intelligences artificielles ?
Voici la réflexion que je mûris depuis longtemps et qu’à la suite de cette journée symbolique je me dois de vous partager : non, le livre ne mourra pas.
Mais, comme il l’a toujours fait, il survivra, en évoluant, en se métamorphosant pour épouser son époque.
À une ère où les craintes envers l’IA sont légion, jeter un regard à l’histoire pour mieux appréhender l’avenir est plus que nécessaire.
Le livre n’est pas un objet figé ; c’est un processus. Et sa prochaine transformation est déjà en marche.

Le livre de la pierre à Gutenberg
Pour que le livre devienne tel que nous le consommons aujourd’hui, il a fallu qu’il passe par moult transformations.
« L’évolution des formats et des matériaux du livre à travers l’histoire est marquée par une adaptation constante aux besoins des lecteurs et aux avancées technologiques, tout en étant parfois contrainte par les matériaux disponibles. » souligne Radio France.
De la tablette de pierre à l’ebook, le livre a dû et a su s’adapter au fil des siècle aux attentes des lecteurs.
Alors que l’antiquité connait une littérature essentiellement orale (féodalité, les trouvères et troubadours), la pierre reste le support d’écriture de l’époque.
Des tablettes au volumen
Au commencement, la mémoire se sculptait dans la pierre lourde et difficilement maniable.
Très vite, le papyrus, support plus léger et facilement pliable, lui succède.
Puis, le volumen un rouleau long, souvent fabriqué à base des peaux animales devient le format privilégié.
Malheureusement, dérouler plusieurs mètres de texte à la recherche d’une phrase précise était un vrai défi.
Sans pagination ni table de matières, le lecteur se noyait facilement dans le texte.
Prendre des notes en temps réel devenait une nécessité pour ne pas se perdre dans le récit.
Le codex et l’âge médiéval
Peu après apparaît le codex, composé des feuilles cousues ou collées entre elles.
C’est une révolution de portabilité et de confort contrairement aux deux précédents supports.
Avec l’introduction de la ponctuation, des index, des tables des matières et des majuscules, le livre tend à sa structure contemporaine.
Gutenberg et la révolution de l’imprimerie
L’invention de l’imprimerie par Gutenberg en 1435 transforme radicalement la donne.
Le livre cesse d’être le privilège des élites et devient accessible au plus grand nombre : la reproduction est plus rapide, plus fiable, moins coûteuse.
La diffusion des idées, des savoirs et de la culture peut enfin atteindre des publics jusque-là exclus.
Avec l’imprimerie s’ouvrent les bibliothèques publiques, les marchés éditoriaux se créent.
La presse émerge elle aussi et le livre devient un vecteur puissant de démocratie culturelle.
Il représente alors un pilier de la transmission des idées, de l’éducation et de l’émancipation.
Du papier à l’écran : quand le livre rencontre le numérique
Le succès fulgurant de l’informatique est le vecteur principal de cette révolution qui touchera tous les secteurs, celui du livre y compris.
Le livre va connaitre une transformation comme jamais connue au paravent à travers la numérisation tout d’abord.
Cette numérisation se faisant comme un simple scannage d’images connaitra d’autres façons de faire.
Les logiciels spécialisés de lecture des livres numérisé verront le jour avant la création des liseuses basée sur la technologie e-ink (encre électronique).
L’ebook et la révolution Kindle (2007)
La révolution d’internet des années 90 est un prélude aux prochaines innovations sur la façon d’accéder au livre.
Entre 2006 et 2007, les entreprises jugeant les ordinateurs trop généralistes se sont lancé un défi de créer un appareil spécialement pour la lecture.
C’est ainsi qu’en novembre 2007, Amazon va lancer le Kindle, premier lecteur dédié basé sur la technologie e-ink.
Ces appareils ont la capacité d’avoir 300 à 3500 titres, une batterie plus durable que celle d’un mobile standard et une finesse proche de celle du papier.
Il marque le point de départ d’une nouvelle ère du livre, numérique et accessible n’importe où.
Cependant, les smartphones leur tiennent concurrence aujourd’hui suite à leur polyvalence et leur offre d’une version web plus riche.
Le podcasts et l’audiobooks : une nouvelle voix pour le livre
Le livre ne doit pas rester figé dans son support papier : les podcasts littéraires et les audiobooks offrent le livre différemment.
Le livre audio offre une nouvelle façon de consommer la littérature en m’écoutant, c’est comme avoir quelqu’un qui vous narre l’histoire.
De nouvelles expériences sensorielles, particulièrement adaptés aux trajets, à la relaxation ou à la déficience visuelle.
Ils permettent également de toucher des audiences avides de récits, mais peu enclines à lire sur papier ou écran.
Personnellement, j’en consomme quand je suis en manque motivation ou de concentration ou lors des tâches ménagères.
Le site statistica.com annonce une part de marché de 8,9 milliards d’euros et une croissance de 6,21% entre 2025 et 2030.
IA et littérature : enjeux éthiques et culturels
Les intelligences artificielles peuvent aujourd’hui rédiger des textes, générer des résumés, proposer des recommandations de lectures.
Mais un risque d’uniformité des voix pouvant diluer l’individualité des auteurs demeure persistant et inquiétant.
Pourtant, elles peuvent être une opportunité de rendre le livre plus accessible.
Cela à travers des traductions instantanées, des adaptations pour malvoyants, des guides de lecture personnalisés…
Vers un déclin du livre papier ? Les chiffres à connaître
Pas tout de suite car aucun support, quelles que soient les innovations du numérique n’arrive à rivaliser avec le papier.
Pour moi par exemple, je suis plus rapide et plus concentré sur du papier que sur un support électronique.
Et avec les écrans, il y a les lumières bleues qui ne sont pas bénéfiques pour notre santé oculaire.
Aujourd’hui d’ailleurs, un retour à l’écriture à l’ancienne avec une machine à écrire est en train de renaitre.
Une chute vertigineuse de la lecture plaisir
Aux États-Unis, la lecture pour le plaisir a chuté de 40 % entre 2003 et 2023, passant de 28 % à seulement 16 % des personnes adultes qui lisent quotidiennement pour leur plaisir.
Certains perçoivent cette baisse comme du “deeply concerning” se référant à des situations de peur et d’anxiété.
Cette tendance est attribuée à la concurrence des écrans, de la culture du clic, à une attention toujours plus fractionnée.
L’étude montre que cette baisse des lectures de loisir est plus remarquée chez les personnes peu éduquées, à revenu faible, ou habitant en zone rurale.
Tandis que les femmes, les personnes plus diplômées et les populations urbaines continuent davantage à lire.
Particulièrement préoccupant : alors que plus de 20 % des sondés ont des enfants en bas âge, seuls 2 % déclarent lire à leurs enfants quotidiennement.
Quel avenir pour les librairies indépendantes ?
En Europe comme partout ailleurs, les librairies indépendantes luttent entre pression économique, concurrence des géants (dont Amazon) et érosion des lectures de plaisir.
Pourtant, elles restent des lieux d’échanges, de découverte et de partage de l’énergie vitale pour le livre papier.
Mais au cœur de cette baisse, et cette domination des écrans, les réseaux sociaux viennent à la rescousse de cette baisse.
TikTok vient en tête, avec le BookTok qui réanime la passion pour certains genres littéraires, en viralité.
Des adolescents aux trentenaires, des extraits, des recommandations, des discussions et des “challenges de lecture”.
Cela permet de recréer une communauté passionnée autour du livre papier, le transformant en objet désiré.
Le livre face à l’intelligence artificielle : menace ou renouveau ?
L’IA peut écrire des fictions, des poèmes, des critiques ou des journaux intimes.
Certains y voient une menace pour les auteurs, d’autres une aide précieuse, un outil d’inspiration, de synthèse, de correction stylistique.
Les applications actuelles (OCR, synthèse vocale, traduction automatique) permettent déjà une lecture plus fluide, rapide et inclusive.
Elles ouvrent le livre à des publics éloignés du format traditionnel : malvoyants et apprenants en langue.
Les expériences de réalité augmentée (RA), de livres interactifs ou même de métavers littéraires sont en plein essor.
Elles offrent au lecteur une immersion, une participation, une mutation du récit autour de l’image, du son, du mouvement…
Une métamorphose du livre, mais pas sa disparition.
Le futur du livre : survivre, mais autrement
Face à l’urgence climatique, certains éditeurs adoptent le papier recyclé, l’impression à la demande, le format “vert”.
Ainsi, le livre devient plus éthique, écologique, réfléchi, sans sacrifier l’objet.
Les éditions de luxe, les tirages signés, les coffrets, les livres-objets deviennent des pièces de collection, vecteurs d’affection, de patrimoine, de statut.
La lecture en ligne, les clubs de lecture sur Discord ou Goodreads, les podcasts littéraires, les salons virtuels : tout cela transforme la lecture solitaire en expérience partagée.
Le livre devient un vecteur de lien.
L’initiative de l’UNESCO (World Book Capital)
L’UNESCO consacre la journée du 8 septembre chaque année à la littérature depuis 1867.
Chaque année, elle organise une World Book Capital pour célébrer l’accès au livre, l’alphabétisation et la diversité culturelle.
Autant d’initiatives essentielles pour rappeler que lire est un droit, une responsabilité et une célébration.
À l’heure où l’attention est morcelée, la lecture demeure un acte de résistance : face à l’uniformisation culturelle, à la facilité des algorithmes, à la superficialité numérique.
Le livre demeure un instrument essentiel pour que toutes les voix puissent exister, s’entendre, se comprendre et se répondre.